Aujourd’hui, le ciel est gris. Aujourd’hui, je n’ai pas spécialement envie de voir la vie en rose. Aujourd’hui, j’ai la tête ailleurs. Aujourd’hui, je pense à une maladie particulière. On a tous plus ou moins en tête une maladie qui nous ronge l’esprit. Une maladie qui nous travaille. Une maladie qui nous fait peur plus que les autres. Pour certains, il s’agira du cancer ou du sida. Pour ma part, il s’agit d’Alzheimer. Rien que le nom et l’orthographe de cette maladie sont méprisables… Alzheimer n’est pas le pire de ces maux qui rongent notre époque. De toutes façons, il n’y a pas de pire possible mais c’est celui qui me touche le plus. Depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, cette maladie m’a toujours travaillée. Son attaque à l’esprit qui laisse le corps intacte mais attaque les neurones m’intrigue. Son caractère incurable et progressif qui ronge notre cerveau petit à petit me file des frissons. Je trouve les symptômes physiques plus sincères ! Plus directs. Plus « acceptables ». Personne ne mérite d’oublier qui il est. Personne ne mérite d’oublier qui il aime. Personne ne mérite d’être oublié par sa femme. Plus jeune, je me documentais sur Alzheimer, je lisais des articles à ce sujet, je regardais des films et mon addiction à la série américaine Grey’s Anatomy et l’omniprésence de la maladie dans les premières saisons n’a rien arrangé à mon obsession.
Alors, quand j’ai entendu parler d’une pièce de théâtre évoquant Alzheimer, j’ai tout d’abord été très septique quant à l’abord du sujet par ici. Serait-ce déplacé d’aborder un sujet aussi sérieux et triste sur un espace d’abord dédié au divertissement ? Puis, je me suis dit que je le devais. Parce que cette pièce nommée le Père m’a profondément touchée. Parce que cette maladie est dernièrement entrée dans ma vie et que je ressentais le besoin d’en parler par ici. Parce que vous êtes peut-être nombreuses à être touchées par elle plus ou moins directement. Et parce que les critiques de cette pièce étaient vraiment excellentes et m’ont donné envie d’y aller. Cette pièce nommée « Le Père » décrit l’évolution de la maladie à travers la relation entre un père et sa fille. Jouée en ce moment à la Comédie des Champs Elysées, elle a obtenu deux Molières en 2014. C’est une pièce qui traite la maladie avec un réalisme poignant et touchant sans virer dans le pathos mais aussi et surtout avec beaucoup d’humour, ce qui est très important pour passer un bon moment. De plus, l’interprétation de Robert Hirsch, l’acteur principal de la pièce, est magistrale. Donc n’hésitez pas à me raconter si vous êtes allés ou si vous allez la voir !
Quant à mon expérience à moi, elle est donc bien réelle. Plus forte que les livres, le théâtre ou les films, la maladie s’est matérialisée. A petit feu. Elle s’est concrétisée juste devant moi. Comme si j’avais provoqué tout ça à l’avoir autant en tête, ma petite Mamie la subissait réellement. Le départ de Papy ne l’a pas aidée, elle était triste et la maladie en a profité pour s’installer. Tout doucement… Ca commençait par de petites pertes de mémoire. De simples oublis innocents. Mais les oublis se sont répétés. Les pertes de mémoire ont été de plus en plus nombreuses. Ce n’était pas grave. Elle oublierai que je devais venir ? Tant pis, je rappellerai la veille, le matin et une heure avant. Je l’écrirai. Elle oublierai de prendre ses médicaments ? Tant pis, un gentil infirmier viendra l’aider. On vit avec. On adapte nos habitudes. Puis direction l’EPAD pour faire un test et voir l’évolution de la maladie… Et le médecin est plutôt optimiste, ma petite mamie n’a pas trop mal réussi son test et surtout, en deux ans, la maladie n’a pas trop gagné de terrain. Mais Alzheimer est tout de même bien là et ne partira pas. Stade modéré comme il a dit. Juste avant le stade avancé… Donc on profite. On ne la met pas en difficulté notre petite mamie, bien au contraire, on la rassure. Elle a réussi son test, comme elle avait réussi son certificat d’étude ! On profite de chaque instant avec elle. Car elle est encore là. Son esprit est presque encore toujours là. On s’estime heureux. On l’aide à trouver des mots au Scrabble. On l’aide au Triomino. On réalise que les rôles se sont inversés… Que ce n’est plus elle la plus forte au Scrabble. Que ce n’est plus elle la meilleure en orthographe. Que ce temps est passé. On se rappelle de la maladie. Mais on se dit, que le Scrabble, ce n’est rien. Elle oublie des détails. Elle oublie ce qu’elle a fait à Noël. Elle oublie qui est venu la voir ce matin. Mais ce n’est rien. Presque rien. Le plus important, c’est son sourire dans sa voix quand elle entends mon prénom au téléphone. Ce sourire qui me rappelle que pour l’instant, moi, elle ne m’a pas oubliée. Et ça, c’est une chance.
Donc oui, la maladie est incurable. On le sait. Mais la recherche se bat encore et toujours pour tenter de la combattre. Pour aider les malades, pour les soutenir, pour leur rendre le quotidien plus facile et peut-être un jour pouvoir la guérir. Pour aider les proches aussi. Parce que dans toutes maladies, les proches jouent un rôle indispensable. Et les proches ont aussi besoin d’être aidés et soutenus. Les maris, les enfants. Comment survivre quand sa propre femme ne nous reconnais plus ? Cet article n’est qu’un témoignage d’un de ces proches justement mais je tente à ma façon d’aider la recherche et j’espère que vous ne trouverez pas sa présence trop déplacée par ici via un message d’espoir avant tout. Très bon dimanche malgré tout et profitons bien de la vie tant qu’il est encore temps !
Le bleu des tes yeux me rappelle les histoires que tu me racontais…
17 Comments